Gemini
La plus grande erreur à faire en abordant ce film est de se limiter à son histoire. En effet, le film ne raconte pas son histoire, il en invente une nouvelle tout autre, plus proche de l'univers de Tsukamoto. Il y aura pourtant, toujours des espiègles qui donneront à Gemini leurs visions terre-à-terre, en cassant l'art du cinéma avec les arguments de la littérature. Gemini, diront-ils sûrement n'est qu'un ramassis de clichés, c'est Faux-Semblant sans la vision perverse de Cronenberg. C'est UN faux-semblant en effet, car Tsukamoto fait mentir l'histoire avec les moyens du cinéma.
En théorie, Gemini est une adaptation du grand auteur japonais, Rampo que l'on surnomme ici en occident : l'Edgar Alan Poe du soleil levant. Ceci soit dit en passant, avec raison, puisque Rampo est la japonisation du nom de l'écrivain maudit. Mais visiblement cette histoire clichesque du conflit opposant deux jumeaux n'intéresse que très peu notre réalisateur paranoïaque. Tsukamoto, en effet, lui, préfère bizarrement faire autre chose que l’adaptation d'un livre, il veut, prétentieux qu'il est, faire du cinéma !! He oui !!
Car
en pratique, le réalisateur foutrac de Testuo fait d’un film de commande, une
œuvre personnelle reprenant avec une certaine jouissance, son trip du Japonais
moyen en pleine crise ( ici la schizophrénie ). Le film transforme, ainsi, le
cliché, en un sublime poème flirtant autant avec le théâtre japonais qu'avec
la série b fantastique. Au poème, Tsukamoto emprunte les métaphores qui, ici,
saturent l’image. Au théâtre
japonais, il emprunte un jeu fait de mimique, le motif du maquillage et les
chants dansés. A la série B milieu dont est originaire le réalisateur ( si
Tetsuo louche vers l’expérimental, Tetsuo II est un véritable film de série
B ) le film emprunte une certaine naïveté visuelle, notamment lorsqu’il
aborde les scènes se passant dans le taudis. Le film basculant alors sans cesse
entre une image stylisée et un joyeux bordel à la punkitude assumé. Cet
esprit est aussi repris avec la musique. Celle ci, mélangeant chœurs étrangement
malsains avec des sonates aux pianos suivit de morceaux primitifs technoïdes.
L’ensemble n’ayant qu’un but : visualiser l’univers mental du héros.
Le film, bascule vraiment, le jour où le père d’un élégant médecin passablement parano, à cette fâcheuse idée de mourir. S’en suit alors, la mort de sa mère, une brusque épidémie de lèpre et l'accident du maire qui forcera le héros à faire un choix ( s'occuper d'une lépreuse ou du maire ). Socialement, l’homme en sort grandis, humainement, le médecin ne vaut malheureusement plus rien. Tous ces évènements vont perturber le jeune homme au point de provoquer en lui un conflit intérieur. Conflit que Shin’Yia Tsukamoto illustre d’une manière admirable et visuelle en réalisant ce film.
La paranoïa du jeune homme est tout d’abord ressenti par le spectateur grâce l’utilisation d’une vision quasi subjective caméra au point, l’entraînant à développer son imagination malsaine : une présence étrangère se dissimule à l’intérieur de la famille. Mais lorsque que la tension sera trop forte, le double se matérialise doucement à travers le miroir, pour ensuite le traverser et donné vie à un double pas si maléfique mais terriblement primitif.
En effet, la jumellité du scénario n’est qu’un prétexte pour Shin’Yia Tsukamoto pour s’attacher une nouvelle fois à la folie d’un japonais de la middle class ( Testuo et Bullet Ballet ne parlait pas d’autre chose ). Le jumeau du film, est un cancer, une maladie ( les protubérances chères à Tsukamoto, parsèment le corps du double ), une version primitive du héros. Après s’être fait dépasser par les évènements, celui ci profère devant sa femme, visiblement choquée, des propos plus que fascisant. La violence psychologique de la dispute va mettre à mal le jeune homme obligeant la part primitive à cloîtrer, dans un puits crasseux (une métaphore du cerveau ? ), la personnalité première du héros. Seule solution pour essayer de calmer sa propre folie. Le conflit qui s’engage alors met en scène deux sortes de violence toutes deux intimement enfouie à l’intérieur du médecin : la violence primitive physique et la violence moderne mentale. Alors que la part primitive commence à singer physiquement la part mentale, cette dernière handicapée s’efforcera étrangement d’influencé le caractère de l’autre. Mais si ce combat peut avoir à son terme une conclusion hypothétiquement heureuse socialement, il est aussi visiblement, humainement vain pour le réalisateur. En effet, il n’est pas sur que le médecin en sorte meilleur humainement parlant. Un seul regard suffit pour s’en convaincre. Finalement Shin'yia Tsukamoto avec Gemini ne raconte pas autre chose que ce qui l'obsède depuis ces débuts : la déconfiture du male japonais.