Pour en finir avec le jugement de Dieu 

TUTUGURI

LE RITE DU SOLEIL NOIR





 

Et en bas, comme au bas de la pente amère, 
cruellement désespérée du cœur, 
s'ouvre le cercle des six croix, 
              très en bas, 
comme encastré dans la terre mère, 
désencastré de l'étreinte immonde de la mère
              qui bave. 

La terre de charbon noir 
est le seul emplacement humide 
dans cette fente de rocher. 

Le Rite est que le nouveau soleil passe par sept points
              avant d'éclater à l'orifice de la terre. 

Et il y a six hommes, 
un pour chaque soleil, 
et un septième homme 
qui est le soleil tout 
              cru 
habillé de noir et de chair rouge. 

Or, ce septième homme 
est un cheval, 
un cheval avec un homme qui le mène. 

Mais c'est le cheval 
qui est le soleil 
et non l'homme. 

Sur le déchirement d'un tambour et d'une trompette 
              longue, 
étrange, 
les six hommes 
qui étaient couchés, 
roulés à ras de terre, 
jaillissent successivement comme des tournesols,
non pas soleils mais sols tournants, 
des lotus d'eau, 
et à chaque jaillissement 
correspond le gong de plus en plus sombre 
              et rentré 
              du tambour 
jusqu'à ce que tout à coup on voie arriver au grand galop,
avec une vitesse de vertige, 
le dernier soleil, 
le premier homme, 
le cheval noir avec un 
              homme nu, 
              absolument nu 
              et vierge 
              sur lui. 

Ayant bondi, ils avancent suivant des méandres circulaires 
et le cheval de viande saignante s'affole 
et caracole sans arrêt 
au faîte de son rocher 
jusqu'à ce que les six hommes 
aient achevé de cerner 
complètement 
les six croix. 

Or, le ton majeur du Rite est justement 

              L'ABOLITION 
              DE LA CROIX. 

Ayant achevé de tourner 
ils déplantent 
les croix de terre 
et l'homme nu 
sur le cheval 
arbore 
un immense fer à cheval 
qu'il a trempé dans une coupure de son sang. 

  

 paru en 1925

La Momie Attachée