3 ) L'utilisation de la caméra dans Shining :  

 

 

 

"Le cinéma a doté l'humanité d'un nouveau sens, la vision du mouvement et des rythmes visuels." Disait l'avant-gardiste française, Germaine Dullac qui de ce fait donnait naissance a l'affirmation d'un cinéma abstrait et expérimental : L’œuvre d'art ne tenant plus à son sujet mais à sa puissance évocatrice et aux moyens mise en œuvre pour sa création. Shining, peut être considéré comme un descendant direct des théories / expérimentation des avant-gardistes français des années 1920. Les mouvements de caméra  considérés comme la marque de fabrique de Stanley Kubrick  prennent particulièrement le devant de la scène dans Shining et vont l'obliger à s'octroyer de nouveau moyens pour permettre à sa nouvelle œuvre, de voir le jour. Pour les besoins du film, le réalisateur utilisa un Arriflex Blimp version III autosilencieux. Mais surtout pour être en adéquation avec ses envies artistiques Kubrick, comme à son habitude, va faire de son film un laboratoire pour expérimenter un nouvel appareil : Le Steady-cam. Allié à l'Arriflex silencieux le steady-cam va permettre de rendre les travellings de Kubrick, plus flottant leur donnant ainsi leurs caractères quasi surnaturels, donnant aux spectateurs la sensation de suivre les protagonistes du film assit sur un tapis volant. De plus, les films de Stanley Kubrick et le cinéma en générale les dispositifs de vision génèrent un mode particulier d'action. Dans Shining, l'usage du Steady-Cam doublé d’un appareillage vidéo permet à l'observateur ( Kubrick via son opérateur avec lequel, il communique par l'intermédiaire d'une radio ) de voir sans être vu tout en parcourant l'espace au sol ( l'opérateur se déplaçant à hauteur d'homme. ) avec le plan du labyrinthe en main: Le réalisateur donne ainsi à son opérateur et par ce fait même au spectateur, le pouvoir de se déplacer dans le labyrinthe avec le savoir de ceux qui le survolent, mettant ainsi en branle le dispositif d'action qui nous fait occuper la place d'Icare et de Thésée à la fois.  Si ce n'est pas la première fois que ce système est utilisé, c'est la première fois qu'il est employé aussi fréquemment dans un film. Pour obtenir, une plus grande efficacité de la part de ce nouveau système il embaucha l'inventeur de la Steady-Cam, Garret Brown, pour tenir "le rôle" d'opérateur sur le tournage du film.

 L'utilisation de ce nouvel outil, ne va tout de même pas transformer la signification particulière de ses mouvements de caméra, puisque dès ses premiers films, la caméra de Stanley Kubrick mène la danse et comme son maître Max Ophüls, oppose aux mouvements des personnages démurges, ses propres mouvements indépendants et extrêmement complexes. La caméra ne sert en effet, ni l'action, ni les héros : Mais elle les emporte de force dans ses déplacements. Du travelling d'ouverture des Sentiers De La Gloire à l'emploi systématique de la Steady-Cam dans Shining, la caméra fait des prouesses et brave la volonté paranoïaque et mégalomane des personnages pour enfin nier leurs propres mise en scène. Elle reste en fait Le Seul Maître a Bord des Espaces qu'elle Pénètre. Shining commence par un générique de sept ou huit plans tous avec des travellings avant réalisés avec  un objectif "fish-eye" c'est à dire en courte focale maximum. Ces plans ont étés exécutés par une seconde équipe de tournage du haut d'un hélicoptère que le réalisateur a voulut laisser entrevoir dans le champ de la caméra par le spectateur du film. L'ombre qui se promène le long d'une montagne ensoleillée est la première technique utilisée par le réalisateur pour élaborer son entreprise de démythification du film d'horreur. De plus, le générique contient en son sein presque tout les mouvements utilisés pour le film : que cela soit la courte focale ou les travellings avant, arrière ou latéraux. Mais aussi les fortes plongées et même un fondu enchaîné entre le premier et le second plan. Les longs travellings arrières des tranchés des Sentiers de La Gloire préfigurent déjà la schizophrénie labyrinthique de Shining ; pourtant, les travellings avant, arrière ou latéraux diffèrent de ceux utilisés pour Les Sentiers De La Gloire qui étaient plus volutes et baroques. Au contraire ceux de Shining soulignent plus la géométrie rigoureuse accentuant le climat d'une logique implacable, d'une progression quasi mathématique. Il faudrait donc peut être ainsi plus rapprochés ces travellings ( notamment ceux pratiqués au raz du sol. ) des fameux travellings de 2001. Film qui à bien des égards, est relativement proche de Shining. Pour terminer sur l'emploi des travellings dans Shining, il faut s'intéresser sur le dernier travelling du film. Celui ci démarre dans la salle de bal pour lentement se diriger dans le couloir où attaché au mur de celui ci, se trouve une série de photographies encadrées. La fin de son trajet s'effectue sur une des photographies en noir et blanc où pause à l'occasion d'une réception Jack Torrance. Après deux trois fondus enchaînés, un faible mouvement de caméra nous fait découvrir la date de la photographie : Le 4 juillet 1921. Avec ce dernier travelling, se pause donc la question du temps. Méthode que le réalisateur avait dès son adolescence perçût dans les travellings de Roberto Rossellini.  De plus, les multiples travellings et les fondus utilisés pour les scènes réalistes s'opposent aux plans fixes des scènes imaginaires. Cette utilisation particulière des mouvements de caméra dans le genre fantastique est à contre courant des méthodes communément employé pour ce genre de film.  

 

 

Quant aux fondu enchaînés utilisés dans Shining, ils permettent de comprendre visuellement la puissance imaginative des individus du film, en effet grâce aux fondus enchaînés, les personnages compris dans cette fiction sont souvent "prisonnier" du corps et surtout de la tête de Jack mais aussi du cuisinier noir. Mais la maîtrise de Stanley Kubrick, ne s'arrête pas là puisque par exemple, lors de la rencontre de Jack Torrance avec le maître d'hôtel ( Philip Stone ) dans les toilettes, la conversation glisse doucement du rêve au cauchemar en une série de champs contre champs simples opposants les deux acteurs. Visages et bustes sont ainsi situé et définis dans le cadre avec une redoutable précision ; précision telle que l'on se retrouve presque devant un dessin. Le Formica rouge des toilettes explose dans "les flammes de l'enfer". Le style de Stanley Kubrick brille alors par sa précision graphique. Mais aussi, contrairement à sa descendance comme les Frères Cohen, le réalisateur sait exactement ce qu'il va filmer et comment cela s'intégrera au corps du film. Loin de n'être qu'une marque de fabrique, ses contre – plongées violentes, ces déformations spatiales, ces éclairages monstrueux et les musiques euphorisante n'ont jamais autant été justifiées et si bien en place. L'esbroufe et la virtuosité parfois décrié tirent leurs excellences de leurs légitimités pour peindre les visions hallucinatoire et inquiètes de l'individu dominé par la peur du monde. L'esprit humain ne voit plus que dans l'agressivité mégalomaniaque, l'ultime moyen de le dominer à son tour.

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La déconstruction d'un genre